jeudi 18 mai 2017

Histoire des pâturages de la commune d'Arnex sur Orbe


Histoire des pâturages de la commune d’Arnex ou comment on est passé du libre parcours et des chauchis aux champs loués et labourés

Depuis fort longtemps et jusque vers 1800 le territoire agricole de la commune d’Arnex, était exploité de façon très extensive.

On y pratiquait l’assolement triennal, le bétail profitait du libre parcours et pouvait pâturer les chauchis communaux sous la surveillance d’un berger nommé et payé par la commune.

Assolement triennal

Du Moyen âge jusqu’au 18ème siècle, l’agriculture de ce canton a très peu évolué, restant fidèle à l’assolement triennal et pratiquant le libre parcours du bétail.

Le bétail pouvait ainsi pâturer des surfaces importantes composées des communs ou chauchis (prés appartenant à la Commune), des prés après les foins, des champs après les moissons et des jachères.
Tiré de : Histoire des agricultures du monde. Mazoyer et Roudart

A la même époque, J. Bertrand, cité par Georges André Chevallaz[1], donne le portrait suivant du paysage agricole vaudois de 1760 :

Autour de l’essaim des fermes trapues, groupées de part et d’autre de la rue du village, ce sont d’abord les enclos des vergers, des jardins et des chenevières, entourés de haies vives. Plus loin, les labours en parcelles allongées, se groupent en trois mas d’égale superficie que l’on nomme sole ou « fins de pie », passant alternativement par les trois phases de l’assolement triennal.

La première sole est semée en graines d’automne, ou « gros grains », froment, seigle ou méteil.

La seconde est invêtue en avoine, orge, en autres « menu grains » ou en légumineuses.

Enfin la troisième sole se repose de ses deux ans de production. « Jachère » ou « sémorailles », ameublie, aérée, purgée d’une partie de son ivraie par quatre labours successifs, pâturée dans l’intervalle, elle se prépare à recevoir à l’automne, le blé qui marquera le début d’un nouveau cycle.



Les trois soles du territoire de la commune

Cette description correspond assez bien au territoire d’Arnex. Dans notre cas, les soles suivantes sont décrites dans les actes du procès de 1814 concernant l’abolition du libre parcours. Ce procès sera raconté à la fin du présent chapitre.

On y trouve :

o      la première sole, qui comprend la Fin de Brion, Perrevuit et Longeraye ;

o      la deuxième sole, appelée la Fin sous l’Etang avec le Ruz d’Otoz, en Borboz et en Jugny ;

o      La troisième nommée la Fin du côté d’Orbe. Actuellement, lorsqu’on cite un champ situé « En bas la Fin », c’est de cette fin-là qu’il s’agit.

Ainsi, chaque année, les agriculteurs sèment les mêmes cultures dans leurs champs situés sur la même sole. Il faut donc disposer de terrain dans ces trois parties de la commune.

Si ce système, dont nous verrons les inconvénients plus tard, a subsisté si longtemps, c’est qu’il comportait un certain nombre d’avantages : pour l’autorité chargée de prélever la dîme des moissons, toutes les parcelles sont situées dans le même territoire. Il est aussi plus facile de laisser pâturer le bétail sur des jachères groupées au même endroit. En effet, deux jours après les moissons, les champs sont ouverts à la pâture. Les glaneuses ne disposent que de très peu de temps pour leur quête des épis oubliés !





Comme il en allait parfois au temps jadis, en 2006 la Fin du côté d’Orbe est presque toute en céréales



Sur cette photo de l’été 2006, la troisième sole du territoire communal se retrouve presque complètement en céréales, qui, compte tenu de la diminution du bétail, ont remplacé une bonne partie des prairies.

Les prairies et le passage à Clos et Record
De façon assez étonnante, dans les temps anciens, seul le foin, soit la première récolte des prairies, appartient au propriétaire. Celui qui désire profiter de la seconde coupe, soit les regains, appelés Records, ne peut le faire sans s’acquitter d’une taxe versée à la commune.

En payant plus, il fait passer son pré dans la catégorie à Clos et Record, ce qui lui permet de profiter de toute la récolte et d’interdire le pacage du bétail des autres sur sa parcelle.

C’est ce que fait par exemple Fréderich de Chaillet en 1778 pour quatre poses au Champ dernier les Lattes, pour la somme de 90 florins, payés comptant. L’acte mentionne :

Le Noble de Chaillet pourra dans la suite recueillir et appliquer à son profit toutes les prises de foin, record et regain, sans que sous aucun prétexte la Commune ni autre particulier puisse y faire paître aucun bétail.

Plus de détails sur Fréderich Chaillet voir :




Acte de Passation à Clos et Record pour Fréderich de Chaillet



Pour ceux qui ont moins de liquidités, la chose est possible sans qu’ils aient à verser de capital, mais en payant chaque année un intérêt à la bourse communale.








Intérêts des passations de pré à clos et records dans les comptes de 1719



Les cloisons
Avec ce bétail plus ou moins bien gardé, qui se promène sur presque tout le territoire communal, il est nécessaire d’ériger des murs ou des cloisons pour protéger les vignes et les autres cultures.

Ces haies ou cloisons ont laissé leur nom à quelques lieux-dits :

o      Sous les haies pour une vigne ;

o      une delaise est une porte à claire-voie appelée aussi clédard ; en 1716 la commune achète une douzaine de coignées (haches) pour faire des delaises ;

o      Champ des Lattes : barrière de protection contre le bétail ;

o      un Breuil est un pré, souvent humide et probablement clôturé.

A propos du Breuil, il est noté dans la Reconnaissance générale des usages de la Terre de Romainmôtier de 1499, qui règle les relations entre le monastère et ses propriétés :

que tout attelage d’Arnex est tenu d’amener du pré du Brueux à la grange du Seigneur d’Arnex quatre chargements, avec ses propres animaux de trait, l’on doit quatre miches de pain à chaque attelage faisant charroi.

Le bétail et les bergers
Comme on vient de le dire, le bétail est conduit à la pâture de façon collective. Dans un règlement communal de 1741 prévu pour la commune d’Apples, le bailli précise à l’article 24 que :

Qui que ce soit ne fera son troupeau a part, mais mettra son bétail sous la verge du Berger commun à peine de Chatiment et des Bamps (amende) et ordonnons aux messeillers et à tous les Communiers de rapporter ceux qui contreviennent à cet article.

En 1744, n’ayant pas respecté cette règle, Jean François Gauthey (1681-1764) est cité en Cour baillivale.

Le 18 mai 1744 comparaît :

Jaques Antoine Gilliard en qualité de Gouverneur de l’honorable commune d’Arnex accompagné du sieur Etienne Olivier contre Jean François Gauthey justicier du dit Arnex demandant qu’ensuite du mandat qu’ils ont obtenu en date du 12 mai, il ait à dire les raisons en vertu desquelles il fait un troupeau à part d’une partie de ses vaches au dit Arnex.

Pour sa défense le Sieur Gauthey cite la Loy 42 f : 161 qui règle la Pâture du bétail entendant que s’il y a quelques bêtes boiteuses ou vaches portantes, il doit s’adresser à la Commune pour leur demander de pâturer à part, alors la Commune y aura égard.

Le Bailli accepte l’argument, mais, comme ledit Gauthey aurait dû, au préalable, demander une permission à la Commune, il est condamné aux frais, non sans modération.

Les bergers
Afin de garder les troupeaux de vaches, de bœufs, de chevaux, de chèvres, de brebis ou de cochons, la commune engage chaque année des bergers dont elle paye le travail et la froche (l’habit). Mais est-ce vraiment à la commune d’assumer cette charge ? En 1816, le Juge de Paix qui vérifie les comptes d’Arnex n’est pas de cet avis et fait remarquer que ce n’est plus à la commune de payer le salaire des bergers.

Quant aux habitants, c'est-à-dire les non bourgeois qui possèdent du bétail, ils sont astreints à une taxe pour faire pâturer leurs bêtes.

Les taureaux
La commune prend aussi en charge l’achat des taureaux, qui proviennent parfois d’autres communes : Chevilly, Bofflens, Premier, Rances, Pailly, etc.

Mais certains ont une triste fin, tel ce pauvre taureau malade, qui en 1772 expire malgré toute la soupe à l’orge dont il est gratifié ou celui qui périt au marais, ainsi que le relatent les quelques lignes ci-dessous tirées des comptes de 1753 :







La mort du taureau au pâturage du marais en 1753



Terrains disponibles pour le bétail
En plus des jachères et des champs moissonnés, les troupeaux pâturent aussi les Chauchy ou Chauchi, qui sont de grands pâturages, propriétés de la commune. Les trois plus importants sont ceux de Bulande, de Sangolin et de Saugettes. Ces chauchis sont à l’origine des propriétés communales situées en ces lieux-dits.

Mais mal drainés, parfois recouverts de buissons, ils sont souvent exploités de façon très extensive.

Vers 1821 certains citoyens, considérant cela comme un gaspillage de terres, interviennent par pétition pour demander à la Municipalité que ces chauchy soient partagés en parcelles pour être mises en location.

Ce qui sera accepté beaucoup plus rapidement que l’abolition du libre parcours comme expliqué en détails ci-après.




Les chauchis de Bulande, de Sangolin et des Saugettes avec le Marais

Un autre grand pâturage se trouve au marais, dont une partie, la moins humide, est misée pour son fourrage et le reste pâturé.

Cette façon de nourrir le bétail, tant sur les jachères que sur les pâturages communaux, convient à ceux qui disposent de grands troupeaux, mais de peu de terrains. Mais ce système agraire freine toute tentative d’amélioration de la production fourragère.

Pourquoi investir dans la création de prairies artificielles bien plus productives, si c’est pour y voir pâturer les vaches du voisin ?

L’abolition du libre parcours
Au début du 18ème siècle déjà, certains esprits éclairés constatent que l’assolement triennal et la pratique du libre parcours pour le bétail bloquent tout progrès agricole.

Vers 1750, Elie Bertrand, pasteur d’Orbe, cité par Auguste Verdeil, dénonce ainsi cette situation :

Dès que nos champs sont moissonnés, ou du moins deux jours après l’entière récolte du Confin, on y mène selon la loi paître le bétail. Et même on ne permet point au propriétaire de labourer tous ses champs ; il doit en laisser une partie pour être pâturée.

Il ne peut ainsi donner à ses terres leurs façons pour les grains d’automne et il est obligé de les laisser pour y semer des mars l’année suivante.

Il poursuit à propos des pâturages communaux :
Un autre obstacle à la production des céréales est la quantité des pâturages communs.

Cent poses pâturées en commun, suivant la pratique de quelques lieux, ne font pas le profit que feraient vingt fermées sur ces cent poses…

À la même époque, Seigneux de Correvon blâme également le pâturage commun en ces termes :
Quelle différence entre ces champs sujets au parcours, et les champs dont le maître étend ou restreint la culture durant l’année à son gré !

Semant tantôt en herbe artificielle, tantôt en grains, ce maître se fait une rente par la seule variété des productions de ses champs, et en peu de temps, par de bonnes cultures, par l’emploi des eaux voisines, ces champs pourraient devenir des fonds, qui après avoir coûté deux à trois cents francs, vaudront mille francs la pose.

Le même Seigneux de Correvon propose de nouvelles cultures :
Mais, dit-il, ces nouvelles cultures sont impossibles, tant qu’existera le parcours ; car ce ne sera que lorsque le parcours sera aboli, que le cultivateur pourra dire : ce champ est à moi…


La transition

En 1591 déjà, LL.EE tentent par un édit de favoriser la passation à clos et record des prés, mais sans beaucoup de succès. Le 13 février 1717 paraît un nouvel édit reproduisant celui de 1591, sans beaucoup plus de résultats.

La loi vaudoise du 12 juin 1805

En 1805, le nouveau canton, qui vient d’avoir deux ans, va tenter de réaliser ce que le régime bernois n’a pas pu atteindre en matière d’abolition du parcours et, le 12 juin 1805, le Grand Conseil du Canton de Vaud, sur proposition du Petit Conseil, déclare :

Considérant qu’une longue expérience a démontré que l’exercice du parcours est nuisible aux progrès de l’agriculture, et par conséquent à l’augmentation du produit du sol,

Décrète :




L’article 3 précise :


Cet article 3 est important, car, pour prendre une décision il faut savoir précisément :

o      qui est vraiment le propriétaire ;

o      comment sont délimitées les soles sur une commune.

Toutes ces questions deviennent essentielles quand les deux camps à s’affronter, ceux qui sont pour l’abolition du parcours et ceux qui sont contre, sont de force presque égale. C’est le cas à Arnex durant les années 1814-1815.



La guerre des pâturages de 1806 à 1815 dans la commune d’Arnex

Pour ou contre l’abolition du parcours
Durant neuf ans cette question met tout le village en ébullition. Il nous a paru utile d’en citer les principales étapes pour bien montrer l’importance de cette transition.

Le début du conflit
Les faits remontent à 1806 déjà. Dans les procès-verbaux du Tribunal cantonal du contentieux du 17 juin 1807, on relève :

Lecture est faite d’un mémoire de la Municipalité d’Arnex qui se plaint que le citoyen Georges Monnier le jeune, propriétaire d’un pré dans le mas dit au Perrevuit sur lequel la dite commune exerce un droit de parcours en vertu d’anciens usages veut maintenant, en se fondant sur la loi du 12 juin 1805 qui abolit le parcours jouir exclusivement de son fonds sans se conformer aux conditions exigées à ce sujet par la susdite Loi, malgré que Instante n’ait point voulu faire usage de la faculté accordée par cette Loi, d’abolir le parcours sur son territoire.

La Municipalité Instante conclut à ce que fut prononcé qu’en 1806 le citoyen Georges Monnier le jeune ne pouvait pas jouir de tout le produit de son pré.

Elle conclut aussi aux dépens.

D’un autre côté, le Mémoire en réponse du citoyen Georges Monnier qui oppose à la Municipalité Instante, d’un côté son défaut de vocation et de l’autre la loi du 12 juin 1805 dont les articles qui règlent le mode à suivre pour l’abolition du parcours dans le cas actuel sont de pure faculté et nullement obligatoire et conclut en conséquence à la libération avec dépens de l’action que lui a intenté la Municipalité d’Arnex

Décision du tribunal :

Ces Mémoire et Contre Mémoire ayant circulé chez les membres du Tribunal, mûrement été examinés, et le jugement de cette cause appointé à ce jour. Le Tribunal arrête :

La Municipalité d’Arnex est éconduite des fins de sa demande et condamnée aux dépens.

Si le Tribunal ne donne aucune raison pour motiver sa décision, il aura d’autres occasions de s’occuper des problèmes de la commune d’Arnex, comme nous allons le voir.

Nous ignorons ce qui s’est passé entre 1807 et 1813, mais dès 1813 et sans doute un peu avant, le problème de l’abolition du parcours reprend toute son actualité.



Les Défenseurs et les Demandeurs, une lutte sans merci pour obtenir la majorité
Deux clans vont se former dans le village et s’affronter très durement entre 1814 à 1815.

Le clan des Défenseurs demande le maintien du libre parcours, il est représenté par Abram Monnier (1772-1862), syndic, et Samuel Gauthey, secrétaire de la Municipalité.

Celui des Demandeurs, partisans de l’abolition du parcours, est emmené par Georges-Louis Monnier ; dans leurs rangs se trouvent Charles de Lerber, Louis de Joffrey-Thomasset et une trentaine de propriétaires.

Le 27 avril 1814, le Tribunal du contentieux prend connaissance d’un mémoire des citoyens Georges-Louis Monnier et consorts estimant être propriétaires de la majorité et demandant que le parcours soit aboli sur le territoire de la Commune d’Arnex.

D’un autre côté figure un mémoire d’Abram Monnier, Syndic.

Le tribunal constate que la conciliation n’a pas eu lieu. Le citoyen syndic Monnier est débouté.


L’intervention du Petit Conseil
Le Petit Conseil (Conseil d’Etat), par lettre du 18 août 1814, demande une réunion des propriétaires sous la présidence du juge de paix du Cercle de Romainmôtier, M. Perreaud.

Cette séance est fixée au 9 octobre 1814, mais les propriétaires n’en sont avertis que le matin « par le Sergent de la dite Municipalité ». En début de séance, pour tenter de trouver un compromis, le juge de paix propose d’abolir le parcours pour une période d’essai de six ans, afin de voir si cette abolition serait avantageuse ou nuisible.

Sur 142 propriétaires, 105 sont présents. 51 votent pour et 54 sont contre l’essai d’abolition. La proposition du Juge de paix étant rejetée pour l’ensemble du territoire, elle est ensuite discutée pour les sept portions du territoire. Mais ici aussi, avec des scores plus ou moins serrés, l’abolition du parcours est chaque fois rejetée.

Suite de la bataille en 1815
Les Demandeurs ne vont pas s’avouer battus pour autant. Au début 1815, ils présentent un nouveau mémoire au Tribunal du contentieux de l’administration vaudoise. Voici le début de ce mémoire de six pages, avec 18 pièces annexées :

Très honoré Monsieur le Président et Messieurs.

Deux partis depuis trop longtemps existent à Arnex, celui des puissants et des riches et celui des pauvres et des faibles.

Ceux-là voyant dans la conservation du pâturage une source gratuite d’enrichissement pour leurs familles. Ceux-ci n’y trouvant qu’un aggravement de misère et un grand obstacle à la prospérité générale. C’est la lutte de l’égoïsme contre le bien public. Il est utile qu’elle finisse, le bon ordre l’exige, la loi en fournit les moyens et vous avez, Messieurs, le pouvoir de l’ordonner.

Il y a dans cette commune six cents poses de champs et davantage. Le tiers en est condamné à demeurer en friche chaque année, soumis à la dent des moutons. Que des mains industrieuses ensemencent ces deux cents poses en fourrages artificiels, on y recueillera au moins 150 chars qui nourrissant, engraissant, multipliant le bétail fourniront les engrais qui doubleront par la suite les récoltes en vin et en grains de ce terroir.

Les Demandeurs constatent également que toutes les communes avoisinantes ont aboli le parcours et ils regrettent la façon très extensive avec laquelle est cultivé le territoire d’Arnex. Ils notent que, suite à la décision du Tribunal du 22 juin 1814 renvoyant les acteurs à mieux agir et croyant ainsi que le parcours n’était pas supprimé, les défenseurs ont lancé leurs bestiaux sur les cultures, jusque sur les pommes de terre dont le pauvre avait investi son champ. Il y a eu des fêtes bruyantes et des bravades dédaigneuses.

Quant à la séance du 9 octobre 1814 présidée par le Juge de Paix, les Demandeurs constatent que la convocation le matin même n’était pas correcte, empêchant plus de trente propriétaires d’être présents.

Ils dénoncent donc ces faits auprès du Juge de paix et donnent une nouvelle liste de signatures des partisans, prouvant qu’ils possèdent bien la majorité.

Ils demandent donc en conclusion l’abolition du parcours.

Le contre mémoire des défenseurs
En vingt-sept pages les Défenseurs vont donner leur point de vue.

Ils accusent les Demandeurs d’avoir par trois fois grossi la liste des personnes de leur bord ; ils posent la question de la possibilité de voter pour les propriétaires habitant une autre commune ; ils souhaitent également que lorsque du terrain est exploité en indivis, tous les héritiers puissent voter et non pas un seul.

On le voit, quand les majorités sont difficiles à atteindre, tous les moyens sont bons pour ajouter ou retrancher une voix...

Un neutre dans la bagarre…
Dans son attestation du 16 décembre 1814, Jaques Baudat déclare :

Nous les soussignés voulant éviter tout désagrément et difficultés quelconques dans les débats qui vont s’élever au sujet des parcours, déclarons par la présente vouloir rester absolument neutres dans cette affaire et voulons que nos suffrages ne puissent être comptés ni pour ni contre dans toute délibération ou décisions quelconques qui dès à présent pourraient avoir lieu à cet égard.

Signé : Jaques Baudat



Les décisions du Tribunal
Le 8 mars 1815 le Tribunal prend connaissance des deux mémoires et les transmet au juge de paix pour vérification et rapport. Le 12 avril 1815, après avoir pris connaissance du rapport du 23 mars fourni par le juge de paix, le Tribunal arrête :

Les acteurs sont maintenus aux bénéfices des conclusions de leur demande ; en conséquence l’abolition du parcours sur les fins de Brion-Perrevuit-Longeraye, sous l’étang et du côté d’Orbe est prononcée.
En outre le Tribunal a désapprouvé le ton peu mesuré, ainsi que les insinuations personnelles déplacées que les défenseurs ont accumulé dans leur mémoire !



Pour Arnex le problème est donc réglé par cette décision ; dans d’autres communes le parcours se maintient encore quelques années.

On cite le cas de Cronay où en 1837 le parcours n’est toujours pas aboli. Comme ces cas sont encore nombreux, le Conseil d’État se voit contraint de légiférer à nouveau. Il le fait par la loi sur l’abolition du parcours du 5 février 1842, qui interdira définitivement le parcours, ainsi que le stipule son article premier :

Le pâturage sur les fonds d’autrui, communément appelé parcours, dont en vertu d’anciens usages jouissent les habitants d’une commune sur les terrains clos ou non clos, les mas de pré, les soles ou fins de pie, et en général les immeubles quelconques situés dans le territoire de cette commune est aboli.

Ce changement important permet enfin à l’agriculture de prendre un nouvel essor, grâce aux prairies artificielles qui vont remplacer les jachères, grâce à l’amélioration des productions animales et à l’introduction de nouvelles cultures : pommes de terre, colza et betteraves à sucre, etc., ceci pour le bien de tous.

Le pâturage du bétail sera bien surveillé par les gardes-champêtres, qui peuvent commencer à gager le bétail pâturant chez le voisin ; leur métier ne sera pas de tout repos.

En 1917, l’un d’eux est injurié par le domestique d’Henri et Louis Morel, qui avaient des vaches aux champs après 19 heures. Les mêmes sont aussi amendés pour avoir, en automne, laissé du bétail trop longtemps au Fond des Vaux. En effet la Municipalité fixait une date limite pour la pâture d’automne.



Un prochain article relatera comment peu après, à partir de 1821, les chauchis ou pâturages communaux seront loués par parcelles aux agriculteurs bourgeois du village.



[1] Georges-André Chevallaz, Aspects de l’agriculture vaudoise à la fin de l’Ancien Régime : la terre, le blé, les charges, Lausanne 1949.

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