mardi 15 novembre 2011

Les battoirs à céréales d'Arnex

Les battoirs d'Arnex

Remplacés par les batteuses roulantes dès 1951, puis par les moissonneuses batteuses, les battoirs à grains peu à peu ont perdu leur rôle.


Batteuse roulante se déplaçant de ferme en ferme dès 1951

Certains anciens batoirs ont été transformés en salle du village ou entrepôts divers.


Ancien battoir de 1903

Celui d'Arnex a été vendu à Raymond Lavenex en 1967 pour devenir une étable d'engraissement.
Puis, racheté par la commune en 2007, il va prendre une nouvelle affectation : halle de stockage pour la Cave coopérative au rez et appartements au-dessus
Dans ce but le Conseil général a accepté  jeudi 19 juin 2008 un crédit de fr. 120'000.- pour aménager le bas.
Permettant ainsi d'y abriter les stocks des grands crus de la Cave coopérative des Côtes de l'Orbe.
En face d'un restaurant bien connu, l'endroit est bien choisi.

Et en décembre 2011, un autre crédit est accordé pour la construction de quatre logements.





Les transformations de 2012

Et en juin 2012 les travaux débutent, on enlève les tuiles du toit.
E le 12 novembre 2012, on commence à poser la nouvelle charpente




Début de la charpente en novembre 2012



Le bâtiment terminé en 2013 avec quatre appartements sur le local de stockage de la Cave coopérative





 Et sa boulangerie-épicerie avec un mini guichet postal !


Note historique

Ce bâtiment datant de 1903 fut construit par la "Société de l'Usine à battre" qui avait acquis du terrain communal à 6 francs la perche, pour l'édifier en ce lieu.
Notons que cet achat fut très contesté par certains membres du Conseil général de l'époque. Ils trouvaient que cette construction abîmerait fortement cette parcelle communale sise en face de la Croix Blanche



Carte postale de 1903-1904 ( le réverbère est encore là, avec déjà des poteaux électriques)


Auparavant il y avait deux battoirs.
Celui de Ferdinand Baudat construit à côté du Moulin en 1865 et le plus ancien, construit par la Commune en 1850 en dessous du Moulin dont il utilisait aussi la force du ruisseau.

Le battoir communal de 1850.
Après l'accord du Conseil général du 15 mars 1850, marché est passé avec M. Bourkhard, mécanicien à la Sarraz pour la partie mécanique, avec M. Grandjean pour la maçonnerie et avec M. Simon pour la charpente.
Le coût total fut d'environ fr. 7'000.-.


L'étang du battoir du en dessous du moulin sur une carte du village de 1867

Un étang de retenue sera créé juste en dessous du moulin, malheureusement le mur fut mal construit, peu étanche, il fallut très souvent le réparer.
Les premiers fermiers du battoir, en août 1851, furent les frères Auguste et Louis Bonzon pour le prix de fr. 703.-
Les agriculteurs laissant le 3% des céréales battues au fermier  du battoir.
Huit ans plus tard, soit en 1859, on ajoute au battoir une huilerie et une rebatte (pour écraser les fruits ou le chanvre) pour un prix de fr. 3'082.-
Mais il faut constater que ce battoir ne fut jamais une très bonne affaire pour la commune.
Elle dut payer de nombreuses réparations, surtout en l'an 1868 où une brusque inondation du bâtiment cause de gros dégâts.
Alors finalement en 1871, comme le demandait déjà le préfet dans ses commentaires sur les comptes de la commune, cette dernière finit par vendre le battoir à Ferdinand Baudat pour fr. 3'000.-
Quant à l'huilerie, elle sera reprise par Louis Martin de la Sarraz, son constructeur, pour fr. 300.-.
Il l'avait vendue 2'500.-, douze ans auparavant...
Il ne reste plus rien de ce battoir de 1850, le vallon du ruisseau du moulin ayant été peu à peu comblé, les ruines reposent sous dix mètres de terre.





Par contre, la date de 1865 figure encore sur la porte de la grange du moulin.




Dans ses souvenirs, mon père Charles Morel notait :


Le Battoir, les battages

Le Battoir, c'est le bâtiment où l'on battait les céréales. On l'appelait aussi Mécanique. Ce nom vient probablement de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème, car, à l'époque, c'était bien au battoir qu'il y avait la seule machine fonctionnant avec un moteur, des poulies, des engrenages et beaucoup de fer. Toute cette machinerie devait intriguer les gens, c'est pourquoi le bâtiment où elle était logée s'appelait et s'appelle encore Mécanique.
Jusqu'au début du 20ème siècle, le battoir d'Arnex était situé En Bas du Moulin sur la route qui descend du milieu du village vers la plaine de l'Orbe. C'était la dernière maison sur cette route.

Vers les années 1903, une société du Battoir fut créée et un bâtiment fut construit à l'angle de la route d'Orbe et de celle qui monte à la gare.
Après la deuxième guerre mondiale, la Société acheta une batteuse roulante qui se déplaçait de ferme en ferme, ce qui simplifia énormément les battages.
Dans les années 1960 arrivèrent les moissonneuses batteuses. Le bâtiment n'étant plus utilisé, il fut vendu en 1967 à M. Raymond Lavenex.

Quand j'étais gamin, il n'y avait pas de botteleuse pour la paille. Les gerbes, liées au champ avec de longs liens de 2 mètres étaient déliées, puis poussées dans la batteuse. Les enfants dégringolaient en vitesse les escaliers avec les liens qu'ils portaient à deux ou trois hommes. Ceux-ci liaient cette paille pour la litière.
Par la suite, à la fin des années 1930, une botteleuse a bien allégé ce travail.

Dès la fin juin, quand l'année était précoce, le battoir faisait entendre son bruit sourd loin à la ronde : les orges d'automne étaient rentrées.
Le haut du battoir avait une grande surface libre divisée en une douzaine de petites surfaces. Les paysans les louaient pour les premiers battages, pour les semences des prochaines semailles.

Dans ma jeunesse, il y avait déjà une Association des sélectionneurs. Les semences étant trop chères, nous n'achetions que la moitié des semences nécessaires, l'autre moitié provenait de notre production.
Au premier battage, ce qui n'était pas nécessaire pour les semences était vendu à la Confédération, à L'administration fédérales des blés.
Ce blé était payé avant le Comptoir de Lausanne, manifestation qui permettait de choisir de nouvelles semences, de compléter ou renouveler le petit parc de machines agricoles. Par exemple : une faucheuse à deux chevaux pour 700 Frs, un semoir à 600 Frs, une tourneuse à foin, ou une râteleuse à 400 Frs. Ce matériel pouvait ainsi être acheté avec la première paie du blé.
Dans la mesure du possible, si je n'avais pas l'école, j'étais heureux de faire ces achats avec mon père.
Pour le solde des battages qui avaient lieu jusqu'en décembre, le tour de chacun était attribué par tirage au sort. Il était possible d'entreposer un jour à l'avance une partie de la récolte à battre, le reste attendait sur des chars.


Voici la description d'une journée de battage :
Il nous faut d'abord trouver au moins dix hommes en plus de la famille. C'est souvent un échange de journées.

Le mécanicien est payé par la Société du battoir. Sur le plancher supérieur du battoir, trois hommes déchargent les chars, et lancent les gerbes à un collègue placé dans une ouverture du plancher. Il pousse régulièrement les céréales dans la machine. A l'étage du bas, deux hommes attachent les sacs de jute pour l'Administration fédérales des blés. Les sacs pesent 101 kg. On peut charger 30 sacs par char.
De l'autre côté de la machine, un char attend au bout de la rampe les bottes de paille. Pour les ranger, on choisit un homme adroit et sobre. Sinon, en fin de journée, les chars versent avant d'arriver à la grange où il faut encore deux à trois hommes pour les décharger.
Près de la batteuse, un homme, souvent notre cher voisin Dany Monnier, s'occupe à récupérer ce qui tombe sous la machine, ainsi que la balle des épis. On met tout cela dans des fleuriers, pièce de jute de 2 à 3 mètres de côté. On en noue les quatre coins pour le transport. Cette balle est affouragée l'hiver au bétail avec de la betterave.

Ces travaux dans la poussière donnent soif. On ne compte plus les bouteilles vides en fin de journée...
Au milieu de la demi-journée, une femme apportait le casse-croûte. Pain, fromage, biscuits ainsi que du thé qui avait du succès grâce à la goutte qu'on y incorporait. Moment apprécié pour faire descendre cette poussière souvent mauvaise surtout celle de l'avoine moisie.
Les surplus de paille sont chargés sur des wagons pour être vendus aux paysans de montagne, principalement en Suisse allemande.

Le repas de midi ne dure qu'une heure, celui du soir est plus long et plus pittoresque.
Le travail à l'écurie est écourté, les ouvriers qui ont passé chez eux pour se dépoussiérer, se retrouvent à la cave. A Arnex, la cave est un endroit très convivial.

Les cuisinières nous invitent à passer à table. Le repas est toujours très copieux, bon potage, plusieurs viandes, beaucoup de légumes, des vins d'années différentes, café, liqueur.
Vers 22 heures, après avoir bien discuté, on se lève et se salue avec des figures colorées. On ne se couche pas très tard. La plupart se retrouveront dans le même travail le lendemain, chez un autre paysan. Selon la grandeur des exploitations, le branle-bas du battage se répète une à trois fois durant l'automne.
Quant aux glaneuses, nombreuses dans ma jeunesse, elles battront leur récolte gratuitement.

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